lundi 24 novembre 2008

Où sont les pères ?

Cette question est lancinante dans ce quartier. A l’occasion de nos visites dans les familles, nous ne voyons jamais les pères des enfants. Et donc nous posons toujours la question, même si cela peut peut-être déranger, pour nous rendre compte de la situation. On nous l’avait dit, mais s’en rendre compte soi-même est encore plus effrayant.
Il n’y a plus de pères. La plupart sont morts, jeunes. Première cause de mortalité : assassinats, liés de près ou de loin au trafic de drogue. Plus rarement, c’est à cause du jeu. Il y a aussi les morts dans des accidents en raison de la circulation et de l’alcoolisme le week-end. Enfin quelques morts de maladies (cirrhoses et cancers surtout). A vue de nez, l’espérance de vie dans le quartier pour les hommes est d’environ 45 ou 50 ans.
Ceux qui ne sont pas morts sont partis, laissant derrière eux une femme avec 2 à 10 enfants, sans aucune aide de leur part. Ils habitent parfois dans la même rue ou juste à côté, mais ont définitivement abandonné leur rôle de père. Ils se retrouvent entre eux pour jouer aux dominos dans la rue, la bière à la main, au son de la musique sortant de leur voiture ou du bar voisin. Peu d’entre eux travaillent et on se demande de quoi ils vivent.

Alors, quelles conséquences sur la vie quotidienne ? Nous avons eu aujourd’hui un enseignement sur la famille, première cellule de la société. Famille sans père, famille sans repère. Les enfants, habitués depuis tous petits à ne travailler qu’une demi-journée par jour à l’école, ne savent pas ce qu’est la persévérance dans le travail. Ils ne connaissent pas non plus d’autre loi que celle du talion, appris dans la rue, où c’est chacun pour soi, et où celui que l’on respecte est celui qui tape le plus fort.
Pas de limites, pas de souci de bien faire, pas d’éducation à la beauté des choses, rien. Pas de père pour donner l’exemple, pas de père pour rappeler à l’ordre. Il reste donc les mères, fatiguées par le nombre d’enfants à charge, la recherche d’argent par des petits bouleaux éphémères, la charge d’une sœur, d’une mère, parfois pour les plus courageuses, les cours du soir pour rattraper un niveau scolaire déficient (niveau milieu de primaire).

C’est vrai que tout repose sur elles, et qu’elles ne peuvent pas tout porter. Non pas qu’elles n’en soient pas capables, mais ce n’est pas ainsi que cela doit être. Quel avenir pour cette génération ? La situation est d’autant plus inquiétante quand on sait que les filles sont enceintes avant 16 ans souvent et que certaines, à 25 ans, attendent un 4ème ou un 5ème enfant, d’un 4ème ou d’un 5ème père.

Ce qu’il faut, c’est ne pas baisser les bras. Ni elles, ni nous. Et même si cette mère est séropositive, cette fille de 13 ans s’est déjà vendue aux garçons bien que sa mère soit morte du SIDA l’an dernier après avoir vécu de cela et donné la vie à 6 enfants laissés orphelins, même si les garçons voient les filles comme des objets, même si les filles les aguichent dès 8 ou 9 ans parce qu’elles ne connaissent que cette façon de se comporter avec eux, même si l’image traditionnelle de la famille n’existe plus, il faut continuer d’espérer.

L’Eglise multiplie les messages en faveur de la promotion familiale, de la responsabilité éducative des parents. Un groupe d’hommes « Pêcheurs d’hommes » a été créé il y a quelques années pour essayer de rassembler les quelques-uns qui tiennent à leur rôle de père et veulent en témoigner pour que d’autre se relèvent. Un centre de formation pour les mères est en projet (sous la responsabilité de Nathanaël et Ana-Maria, volontaires Fidesco) afin de leur permettre d’augmenter leurs chances de trouver des ressources. Les enfants du soutien scolaire reçoivent aussi une éducation sociale afin qu’ils respectent des règles pour mieux vivre ensemble, qu’ils choisissent le dialogue avant la violence, qu’ils persévèrent dans le travail, qu’ils connaissent des adultes qui sont prêts à prendre soin d’eux…
Oui, les signes d’espérance existent.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

On ne se rend pas toujours compte de la chance que nous avons d'avoir grandi au sein d'une famille unie...
Merci de nous le rappeler !